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Changer des vies en passant par l'estomac
Yves Therrien, du journal Le Soleil, s’est entretenu récemment avec le Dr Laurent Biertho, chirurgien bariatrique à l’Institut, pour discuter de son parcours et de l’évolution qu’a connue la chirurgie bariatrique au cours des deux dernières décennies.
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Le Dr Laurent Biertho, de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval, tient ses patients par l’estomac. Non pas qu’il prépare de petits plats, mais il aide ceux qui ont l’appétit trop développé à reprendre leur vie en main.
Certes, il est chirurgien bariatrique et peut transformer par chirurgie l’estomac des personnes souffrant d’obésité morbide pour qu’elles cessent de prendre autant de poids. Mais il n’est pas seul avec le patient, car la chirurgie sans une prise en main de l’ensemble de la problématique alimentaire du patient ne règlera pas la situation. Nutritionniste, infirmière, psychiatre, psychologue en consultation externe, inhalothérapeute, cardiologue et autres spécialistes sont mis à contribution.
«Il faut que l’esprit veuille changer pour que le poids diminue», expose-t-il en passant la main de la tête à l’estomac. La préparation du patient prendra entre trois et six mois alors que l’attente pour rencontrer le spécialiste est d’environ trois ans pour la chirurgie bariatrique.
Originaire de la Belgique, le Dr Biertho a fait sa médecine dans son pays natal avant d’entreprendre une spécialisation en chirurgie à l’Université McMaster, à Hamilton en Ontario, puis une surspécialisation en chirurgie bariatrique à Mount Sinaï, à New York. Récemment, il a été élu président de l’Association canadienne des médecins et chirurgiens bariatriques. Il décrit sa spécialité de chirurgien digestif comme une spécialité de la chirurgie générale.
Son père était pédiatre, ce qui lui semble être l’influence de base l’ayant mené à choisir la médecine comme carrière. Par contre, il a choisi la spécialité de la chirurgie parce qu’il aimait le côté technique, la possibilité de réparer ce qui ne fonctionnait pas, ce qui était brisé. «J’aime ça avoir les mains au coeur de l’action, dans le travail, car on peut voir les résultats», avoue-t-il en parlant notamment de ses interventions sur l’estomac de ses patients qu’il voit fondre à vue d’oeil.
Ce qui l’intéressait au premier plan dans la chirurgie bariatrique, c’est de pouvoir contribuer à l’amélioration de la qualité et à l’espérance de vie du patient. Ceux et celles qui souffrent d’obésité morbide ont aussi des problèmes d’hypertension, de diabète et de taux de cholestérol élevé. Des pathologies qui disparaissent après l’intervention et la perte de poids.
Évolution technique
Si les interventions étaient toutes effectuées en chirurgie thoracique ouverte auparavant, l’opération est aujourd’hui moins invasive et se fait en laparoscopie. «Ainsi, la durée de l’hospitalisation est passée de sept jours environ à deux ou trois jours. Le patient a plus de facilité à remonter la pente. Et les risques d’infection de la plaie sont moins nombreux.»
Avec la transition vers la technique en laparoscopie, la même équipe a pu multiplier par sept le nombre d’interventions annuelles au cours des dix dernières années, celui-ci passant d’une centaine à plus de 700.
Quant aux différents types de chirurgie, celles-ci font passer l’estomac d’un volume de deux litres à quelque 1500 millilitres, soit 80 % du volume original. Dans le cas du bypass gastrique (dérivation), l’estomac sera réduit au volume d’un oeuf. En même temps, le chirurgien fera une dérivation du duodénum pour que le patient puisse rependre un poids qui correspond le plus possible à la masse corporelle idéale.
«Le succès de ce type d’intervention dépend en grande partie de la volonté du patient et du suivi qu’on lui accorde, souligne le Dr Biertho. La plupart des patients me disent régulièrement qu’ils auraient dû venir nous consulter plus tôt tellement leur qualité de vie est améliorée.» En général, les femmes sont plus promptes que les hommes à faire les démarches pour corriger leur problème.
Et la science évolue, souligne le chirurgien. De nouvelles techniques par endoscopie permettent de remplacer la chirurgie par un ballon dans l’estomac pour en diminuer le volume.
La chirurgie bariatrique est une discipline assez jeune. Au plan international, il se pratiquait environ 100 000 chirurgies bariatriques dans les années 90. En 2001, le total dépassait les 300 000. Actuellement, il y en a 6000 au Canada avec un million de candidats et quelque 2000 opérations du genre au Québec, avec un potentiel de candidats de 200 000. Quelque 2000 patients sont inscrits sur la liste d’attente, l’attente étant due entre autres à la disponibilité des salles d’opération et à celle de tous les spécialistes nécessaires pour ce type d’intervention.